Travaux des étudiants de l'école d'architecture de Trivandrum
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les enseignements de Laurie Baker
 
 
 

 Autres lieux, autres temps … ?

Il est important de se rappeler que lorsque Baker arrive en Inde, le pays n’a que trois écoles d’architecture et seulement trois cents architectes, la plupart formés sur les modèles occidentaux de l’enseignement de l’architecture. Après le pouvoir colonial , le concept d’une architecture indienne – comme l’idée de nation elle-même- devait être réinventé.

Chandigarh, œuvre de Le Corbusier, en tant qu’ icône de la nation, échoue à faire reconnaître la nécessité et la fragilité du local. Ici le local n’est pas compris seulement dans son sens physique mais aussi en termes de rites et de rituels que produisent les identités locales (M.Mostafavi).

Baker évitera les dessins encombrants détaillant le bâtiment pour l’entrepreneur.

Il improvisera sur le site même, incorporant les matériaux disponibles et utilisables.

Le portique d’un temple détruit qui devient l’entrée formelle du complexe des studios de cinéma de Chitralekha en est un bon exemple).

Cependant, pour Baker, dessiner reste un moyen significatif de travail. Le dessin devient un terrain de test pour son imagination, sa perception des besoins du client et sa propre interprétation de l’histoire.

Mais le croquis à main libre ne concernera que l’essentiel. Des documents plus formalisés par contre apporteront l’aperçu substantiel nécessaire à la réalisation.

On ne peut manquer de faire le rapprochement avec un architecte contemporain anglais, Walter Segal* (1907-1985), qui a œuvré toute sa vie en Angleterre, pour une pratique proche des habitants liée à l’économie par l’auto-construction ( voir le mémoire de Patrick Tshi-kaya*–St Luc-Bxl.1989-90).

On comprendra que Baker a trouvé un terreau économique et culturel qui conviendra particulièrement bien à l’élaboration d’une démarche soucieuse du contact avec la réalité de ses clients, des artisans, des savoirs traditionnels, des conditions économiques, culturelles et climatiques des lieux.

Son plus cher souhait étant d’enraciner une production d’architecture au service d’une population, et plus concrètement d’hommes et de femmes pour qui il a la plus grande attention et le plus grand respect.

Sa formation initiale, comme ses convictions morales, auront été le premier terreau.

Une longue vie de pratiques et d’observations attentives feront la suite, servie par une stimulante et fraîche capacité de création.

Un texte intitulé Architecture and the People peut être considéré comme une sorte de testament. Il y plaide avec fougue le respect et toute l’attention qu’il porte aux savoirs ances-traux faits « d’honnêteté et de vérité dans le choix des matériaux et dans la manière de les utiliser ». Il montre aussi comme ce savoir populaire affirmait « la maîtrise d’une approche tridimensionnelle de l’usage de l’espace ».

Il y exprime la crainte de voir ce savoir disparaître et, tout en sachant que ses idées ne sont sans doute pas partagées par tous les milieux professionnels, réaffirme ses convictions de tout faire pour garder en vie l’héritage en l’adaptant aux besoins de la population, en perpétuelle évolution.

Il conclut et résume ce texte par quatre points.

  • Premièrement : je n’ai jamais eu le moindre doute personnel à propos de ce qu’étaient réellement mes clients. Il n’y a jamais eu pour moi de catégories –« tribales », « pêcheurs », « HIG » ou « EWS ». Il y avait des personnes avec leurs noms et leurs personnalités.
  • Deuxièmement : je n’ai jamais douté que dans un pays comme le nôtre, aucun de nous n’a le droit de gaspiller ou de perdre, ou d’utiliser inutilement l’argent, les matériaux ou l’énergie.
  • Troisièmement : dès mes premiers mois en Inde, je n’ai jamais douté de l’aptitude inhérente et héritée de la population à connaître ce qui est bon en architecture. Avec des ressources limitées, celle-ci a construit pour elle-même efficacement et durable-ment, et nous devons étudier ce travail.
  • Quatrièmement : personnellement, je ne suis pas heureux de concevoir des bâtiments en étant assis, isolé à une table dans un bureau. Mes idées viennent dans ma tête quand je suis avec les clients sur leur terrain ; et je pense, comme la population, par improvisation et modification comme dans tout travail en cours d’élaboration.